La cuisinière d’Himmler, de Franz-Olivier Giesbert
éd. Gallimard, avril 2013, 21 €
Tout a été dit et écrit, ou presque, concernant le dernier roman de Franz-Olivier Giesbert. Nous ne serons donc pas très original en nous associant aux très nombreux compliments que La cuisinière d’Himmler a reçus à ce jour.
Ce roman retrace l’histoire de Rose, désormais centenaire et bien portante, ayant vécu l’horreur du génocide arménien de 1915 avant de connaître bien d’autres douleurs dans sa vie.
En racontant l’histoire de cette cuisière de profession, l’auteur retrace la plupart des atrocités du XXème siècle : le génocide arménien, la montée du nazisme ayant conduit à la seconde guerre mondiale et la déportation des juifs avant de nous faire voyager en Chine qui connut les horreurs du communisme. A cela s’ajoutera dans une moindre mesure la maladie d’Alzheimer.
Traversant presque le XXème siècle en totalité, l’héroïne aura connu une vie bien remplie au cours de laquelle elle côtoiera donc Heinrich Himmler dont elle deviendra la cuisinière attitrée puis l’amante, Adolf Hitler et Mao Zedong. A ces personnages, l’héroïne associe Jean-Paul Sartre au contraire de Simone de Beauvoir pour laquelle elle a plus d’indulgence.
Malgré ces événements, La cuisinière d’Himmler traduit un formidable instinct de vie et surtout de survie. L’amour, la haine, la vengeance et le gout du travail bien fait sont autant de sentiments qui ont dicté la vie de Rose.
On ne saura trop que féliciter Franz-Olivier Giesbert pour ce roman si bien rédigé et délivrant plein d’espoir. On doit également lui être redevable d’avoir inscrit ce roman très largement diffusé en librairie dans le contexte très présent du génocide arménien sujet peu abordé en littérature. On rappelera qu'en 2012, Les Enfants de l’oubli de Raffy Shart avaient également fait œuvre salutaire sur ce même sujet.
On ne saurait donc que conseiller la lecture de ces deux romans aux négationnistes de tous bords ainsi qu’à ceux, dont encore récemment l’Agence France Presse, qui pensent assurer une certaine neutralité en renvoyant dos à dos bourreau et victime./.
Entretien avec l’auteur réalisé le 25 septembre 2013 avec mes sincères remerciements à Françoise Vernat
Tout d’abord, comment va Rose ?
FOG : Malgré son âge avancé, elle est toujours vivante. Elle est très solaire. Je voulais rédiger un roman racontant la vie d’une véritable cuisinière à Marseille qui se prénomme Rose. Elle est sicilienne et non arménienne. Mais je ne l’ai pas fait. Cette personne et l’héroïne de mon roman n’ont rien en commun sauf qu’elles ont toutes les deux la gnaque !
Pourquoi avoir choisi de mettre le génocide arménien, sujet peu traité en littérature, au cœur de votre ouvrage ?
FOG : Parce que précisément il est peu traité en littérature. Dans mon livre, je cite l’ouvrage d’Arnold J. Toynbee Les massacres des Arméniens. Le meurtre d’une nation, 1915-16, récemment ressorti aux éditions Payot. Egalement parce que j’évolue en partie au sein d’un milieu arménien, mon épouse étant arménienne. Plus généralement, je suis scandalisé par le fait que des hommes puissent perpétrer un génocide. Pour les Arméniens, c’est encore pire parce que la Turquie refuse toujours de le reconnaitre ! Je pense d'ailleurs que leur position est difficilement tenable. Plusieurs de amis turcs n'arrivent pas à comprendre la position de leur gouvernement.
Votre livre a-t-il des retours particuliers, notamment de la Turquie ?
FOG : Non. Tous mes livres ont été traduits en turc. J’ai un public fidèle dans de nombreux pays étrangers, dont la Turquie. En revanche, La cuisinière d’Himmler n’a pas encore été traduit en turc. Tout du moins, pas encore. [Note : Le livre est paru depuis 6 mois à la date de l’entretien]. A bien y penser, c’est étrange.
Le XXème siècle ayant été un théâtre d’horreurs, pourquoi et comment avez-vous effectué une sélection entre toutes ?
FOG : C’est là tout le plaisir de l’écriture. J’écris pour découvrir ce qui va se passer dans mon roman. Je me laisse entraîner par mes personnages. La logique aurait voulu que je débute avec le génocide des Arméniens pour terminer avec celui des Rwandais. Ce n’est pas celle que j’ai suivie. J’ai préféré raconter le destin personnel d’un personnage truculent sans faire de démonstration, ni penser à une architecture./.
Longue vie à Rose et merci à Franz-Oliver Giesbert !